«Aéroports de Paris doit rester propriété de l’État: organisons un référendum!»

Article publié originellement dans Le Figaro le 18/06/2019 avec David Cayla

Contraint d’engager un référendum d’initiative partagée (RIP) sur la privatisation du groupe ADP, le premier ministre s’est dit «préoccupé» d’une action qui irait «contre l’expression de la représentation parlementaire». À l’entendre, cette procédure serait «l’instrument d’une obstruction» qui menacerait la démocratie représentative. M. Philippe a raison sur un point. La manière dont s’est déroulé le débat autour de la privatisation d’ADP est bien une atteinte à la démocratie. D’abord, parce que le gouvernement a tout fait pour cacher cette privatisation en l’intégrant à un paquet de privatisations hétéroclites, lui-même adossé à une loi «relative à la croissance et la transformation des entreprises» dont les intentions déclarées (simplifier et redéfinir le fonctionnement des entreprises) n’avaient pas grand-chose à voir avec la vente des principaux aéroports français.

Ensuite, parce que les modalités prévues par cette cession dérogent à tous les usages et semblent n’avoir été conçues que pour tromper le public. Pourquoi parler d’une «concession», ce qui suppose que les infrastructures publiques sont prêtées, mais prévoir que l’État devra les racheter au bout de 70 ans? S’il s’agissait d’une simple concession, le patrimoine devrait être rendu gratuitement. Imposer une indemnisation montre qu’il s’agit en fait d’une vente qui ne dit pas son nom et que les modalités de cette privatisation ont été sciemment choisies pour cacher les véritables intentions de ce projet.

Imposer une indemnisation montre qu’il s’agit en fait d’une vente qui ne dit pas son nom et que les modalités de cette privatisation ont été sciemment choisies pour cacher les véritables intentions de ce projet.
Par ailleurs, l’exécutif fait comme si ADP n’était qu’un centre commercial de luxe et minimise l’enjeu stratégique de cette vente. Pourtant, il s’agit bien des seuls aéroports français qui ont une véritable vocation internationale. Plus de 100 millions de passagers y transitent chaque année. Il est vrai que l’État gardera le contrôle des douanes et des frontières (encore heureux!). Mais la privatisation le contraindra à une cohabitation complexe dans des locaux qui ne lui appartiendront plus.

Autre enjeu dont le gouvernement s’est bien gardé de parler, l’aménagement du territoire. Le groupe ADP possède 6700 hectares de patrimoine foncier situé aux portes de Paris. Pourquoi laisser à un actionnaire privé le soin de décider ce qu’il convient d’y bâtir? Pourquoi ne pas engager une réflexion avec les collectivités locales pour valoriser ce patrimoine dans le sens du bien commun? Enfin, alors que l’on s’interroge sur la croissance des émissions de CO2 liées au transport aérien et sur la nécessité de taxer le kérosène, il est indispensable que l’État garde les leviers qui lui permettent d’agir. Pourquoi les questions environnementales de cette privatisation ont-elles été écartées des débats?

Aucun économiste ne parvient d’ailleurs à défendre l’intérêt de brader des actifs rentables pour racheter des actifs financiers dont le rendement risque d’être bien plus faible.
À entendre l’exécutif, cette privatisation ne serait qu’une simple opération budgétaire visant à financer les innovations de rupture. Pourtant, la Cour des comptes juge cette procédure «complexe et injustifiée». Aucun économiste ne parvient d’ailleurs à défendre l’intérêt de brader des actifs rentables pour racheter des actifs financiers dont le rendement risque d’être bien plus faible. Comment expliquer que le gouvernement soit parvenu à dégager une enveloppe de près de 17 milliards d’euros pour répondre à la crise des «gilets jaunes»… mais qu’il faudrait privatiser trois grandes entreprises françaises pour récolter 250 millions d’euros par an?

Ces questions ont émergé dans le débat malgré les efforts du gouvernement pour les éviter. Pourtant, aucune réponse sérieuse n’y a été apportée. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, en février dernier, de lancer une pétition demandant au ministre de l’Économie de renoncer à la privatisation d’ADP. En quelques semaines cette dernière a recueilli près de 300.000 signataires. Des dizaines de milliers d’anonymes, de citoyens, ont fait part de leur incompréhension et de leur désapprobation. Une mobilisation s’est engagée et a enfin contraint le gouvernement à s’exprimer. Mais au lieu de répondre aux questions qui lui étaient posées il a préféré biaiser et s’entêter dans sa décision.

Dans une démocratie, on ne peut à ce point se cloîtrer dans ses certitudes lorsqu’on entend incarner le pays.
En fin de compte, l’organisation du référendum d’initiative partagée (RIP) n’est rien d’autre que la conséquence du mépris démocratique dans lequel l’exécutif s’est enfermé. Il n’a voulu entendre ni les citoyens, ni les élus de gauche et de droite, ni le Sénat, ni les experts, ni même l’avis de la Cour des comptes. Dans une démocratie, on ne peut à ce point se cloîtrer dans ses certitudes lorsqu’on entend incarner le pays.

Le Conseil constitutionnel a permis que soit lancée une procédure de récolte de signatures qui devrait remettre le projet de privatisation d’ADP au cœur du débat politique. Les citoyens vont donc pouvoir donner leur avis sur une question qui les concerne et dont on a voulu les écarter. C’est une bonne nouvelle! Nous appelons donc l’ensemble des électeurs à signer en faveur de la proposition de loi visant à organiser un référendum pour maintenir ADP dans le giron public.