Notre amie Coralie Delaume n’est plus. Des personnalités politiques dont elle se sentait proche lui ont rendu hommage. D’autres aussi. Comment aurait-elle réagi à tous ces hommages, à ces grandes phrases et aux qualificatifs héroïques ? Elle aurait sans doute été gênée, elle qui ne cherchait pas le feu des projecteurs, mais simplement à comprendre et expliquer. « Ah tu crois ? C’est gentil » aurait-elle probablement répondu, modestement.
Nous étions parfois voisins sur les bancs de combats communs. Même après trois livres écrits sur le sujet, je la revois préparer ses notes, les reprendre plusieurs fois, par peur de mal faire. Un jour elle m’avait écrit : « Je ne veux pas m’approprier le travail des autres. C’est pourquoi je ne serai jamais, à l’inverse de Didier Raoult, l’auteur d’un papier scientifique publié tous les trois jours. »
Ces deux anecdotes résument bien la jeune femme que j’ai admirée : une innocence désarmante, une énergie militante. Elle avait le don de dire les choses avec simplicité, aussi bien pour décliner une invitation afin de se concentrer sur son prochain papier, que pour décrire un mécanisme économique ou institutionnel.
Sur ses pages de réseaux sociaux on trouvait aussi bien les analyses les plus documentées, que les photos de son chat, des commentaires lapidaires sur la politique du gouvernement et ses expériences de boxeuse. J’y vois la marque de sa modestie. Une sorte de message subliminal : n’ayez pas peur de lire Karl Polanyi ou de décortiquer les traités européens, si une fille comme moi peut le faire, vous pouvez aussi y arriver. Elle vivait pour la pensée, mais une pensée au service des citoyens.
« Le travail, l’énergie, la gentillesse, l’ouverture d’esprit, l’humour, évidemment »
À ses éternels scrupules sur le plan des idées, répondait une grande liberté militante. Dans son combat contre la privatisation d’Aéroport de Paris, elle avait non seulement tout lu et tout écrit, fait des conférences et des réunions publiques jusqu’en Ardèche, mais elle avait aussi contacté des vedettes pour les convaincre de s’engager… en vain. La découverte de sa maladie n’avait aucunement diminué cette énergie : elle avait créé sa chaîne YouTube et tourné avec les moyens du bord une première vidéo sur la suppression de l’ISF et la théorie du ruissellement, elle voulait publier un « Tract » et avait accepté la présidence d’un Observatoire des Plans Sociaux au sein de la Conférence Gambetta, qu’elle a accompagné de son intelligence depuis ses débuts.
Le travail, l’énergie, la gentillesse, l’ouverture d’esprit, l’humour, évidemment. Mais c’est surtout la boussole Coralie Delaume qui va nous manquer. Ses prises de position, courageuses, réfléchies, n’ont pas varié au gré des vents et des courants. Elles étaient pour elle une fierté, pour nous un repère.